JOURNAL DE BORD DES ATELIERS SOCIOLINGUISTIQUES. MAISON CITOYENNE MAISON DE QUARTIER EST. ROMANS SUR ISERE, DROME.

vendredi 13 décembre 2013

Art postal et cartes de voeux

Et bien nous y revoilà en pleine peinture et collages !

Cette semaine j'ai remplacé une collègue et n'étais plus disponible uniquement pour l'atelier créatif. J'ai décidé de consacrer mon jeudi à initier les deux groupes ( matin et après-midi) à la confection de cartes de voeux. Nous avions testé cela à l'atelier. Une forme d'arbre peinte puis des petits papiers déchirés sur les branches.

Les groupes de jeudi n'avaient jamais peint avec moi ( et peut être jamais tout court).

Tout le monde s'y est mis gaiement. Le but est de faire au moins deux cartes. Ecrire ensuite "Bonne année, 2014, Bonne santé " dedans et, et.....amener des enveloppes, glisser les cartes dedans et écrire l'adresse du destinataire et celle de l'expéditeur au dos. Autant dire "Toute une expédition" !!

Et à qui les envoyer ? Voilà une question à laquelle je n'avais pas pensé et qui s'avère finalement délicate et cruciale. J'y reviens en fin d'article.

Première étape : Tester pinceau et gouache sur du papier brouillon. Dessiner la forme d'arbre ou tout autre chose.





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Comme vous le voyez, ce n'est pas l'imagination qui a manqué.

Ensuite sur le format plus petit, en papier Canson. On attaque peinture + collage.
Là c'est vraiment plus difficile et déroutant surtout.
Doucement on tente, et on s'étonne du résultat. Avec peu de chose ( mais beaucoup de courage car il faut oser) on a tout de suite un bel effet.


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Faut-il en mettre partout, tout couvrir ? Ou un peu disséminé ? Je ne réponds pas à la question, je les laisse faire car le choix est déjà naturellement en cours...Puis je prends la carte pour leur permettre de regarder de loin. Alors ? On en rajoute ? On continue ? On arrête là ?

A leurs yeux et leurs expressions sur le visage, je sais qu'elles savent.
Ces moments là sont les plus extraordinaires pour moi.
Le résultat c'est une chose, mais c'est la petite partie de l'iceberg qui surnage.
Le reste, ce qui se passe à l'intérieur de la personne, le courant qui se créé et fait glisser l'iceberg avec beauté. C'est dedans, oui. Et par moments c'est visible.
C'est tout l'intéret du travail. Ce qui se voit si peu à l'extérieur...et qui est si difficilement évaluable.

La personne qui a fait la carte ci dessous est très timide, en tout cas comme handicapée pour s'exprimer en français. Elle a tout dans la tête mais les phrases se heurtent, sont un fardeau à extraire. Tout le contraire de son visage, de ses expressions très joviales et généreuses.

Je souris bien fort en moi en la voyant remplir, remplir, remplir ses créations.
Elle a tellement à exprimer, qu'elle ne sait plus par où commencer ni finir.
Un vrai feu d'artifice. Nous avons bien ri.

Elle m'a demandé parfois, du regard, si ça allait, si plus ? si moins ? Mais je n'ai rien dit, juste encouragé
Cela débordait tellement, c'était unique, c'était elle. Et elle s'y plaisait. Moi aussi.





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On est libre, on peut tout se permettre.

M. est silencieuse et se prend la tête dans la main, appuyée sur la table, comme souvent.
Sa tête sans doute est si lourde...

Elle est totalement concentrée sur sa peinture
Sur la première feuille de brouillon elle n'est pas satisfaite et tout de suite en veut une autre
"Non non c'est pas bien ça".
Elle recommence
Puis elle démarre sa première carte.
Elle ne sera guère contente mais je vois qu'elle y a mis une grande intention, une volonté de dire.


Toutes ont fait deux cartes. Pour toutes je leur ai proposé de refaire un arbre car " La première fois on ne sait pas, on essaie. La deuxième fois on a des idées nouvelles qui arrivent."

Elle ne dit rien.
Elle prend moins sa tête dans sa main.
Je ne sais pas pourquoi mais je la vois s'évader vers chez elle, vers son île qui a connu tant de malheurs, de violences et de flots de réfugiés.

Elle est celle qui va sortir le plus du cadre proposé ( je n'en propose un que pour rassurer, toujours ravie de les voir faire autre chose).
Elle choisit, coupe , déchire et assemble avec détermination les papiers à coller.

Quelle émotion, quelle beauté !


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Toutes ainsi deviennent autonomes dans leurs choix au fil des deux heures. Collage ou pas, motif, couleurs.
Certaines savent s'arrêter quand il faut, elles veulent " ne pas trop mettre" " comme ça c'est bien, ça suffit". J'admire, moi qui ne sait pas faire cela.

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Cette femme qu'on a connu si refermée et malheureuse va beaucoup mieux et ne cesse de sourire en peignant des merveilles.
Elle semble très à l'aise, sûre d'elle, dans son élément.



Les cartes s'exposent, sèchent un peu partout, à la fin de la journée je n'ai pas encore pu tout prendre en photos.




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S. qui a fait cette carte a, elle aussi, déchiré son premier brouillon.
" Non c'est trop moche" dit elle en riant puisqu'elle rit tout le temps.
J'ai vécu dans son pays d'origine, c'est vrai qu'on rit même quand on y raconte sa famille décimée par le génocide. Moi aussi j'y avais appris à sourire surtout quand rien ne va.

Je crois qu'elle veut peindre, vraiment comme peindre un tableau

Elle finira par être contente de ses cartes.

Toutes ont tiré parti de leurs erreurs sur la première carte pour améliorer la deuxième

Première carte de S. (ma photo est mauvaise, j'ai bidouillé pour un rendu meilleur)
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Quand on utilise l'option " inversion des couleurs" c'est superbe !


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Pour la deuxième carte certaines ont tout fait en peinture, sans collages




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Ensuite elles ont écrit dans la carte.



Mardi nous finissons.

Maintenant à qui envoyer ??

Je ne pensais pas que ce serait difficile de trouver des destinataires.

Nous verrons mardi. Il faut choisir la personne et aussi connaitre son adresse.

Une femme m'a dit " Il faut envoyer ça ?!! Non, moi il vont se moquer."
j'ai encouragé, discuté. Un ami ?
- Un ami ne se moquera pas.

" Non, personne. tout le monde va se moquer de moi je peux pas l'envoyer".

Outche.

Ben ça, ça m'a fait peine.
Toujours la dévalorisation, les moqueries de la famille.
Au dernier atelier en petit groupe, une femme, nouvelle à l'atelier  avait fait une peinture sur une feuille blanche. Je lui dis "Emmenez la chez vous, vous la collez sur le frigo !".

- Ouh là là ! A la maison !?? Mon mari qui va dire quoi ? Les enfants encore dire" maman tu as fait de la cabouillasse encore". Non."
Et de laisser sa peinture sur la table. Une cabouillasse bonne à jeter...


Outche. Aïe.

Hier soir en revenant de cette journée "carte de voeux" je relate l'histoire : " Je peux pas envoyer, tout le monde va se moquer", à quelques amies artistes en herbe ( ou plus), amatrices d'art postal. 

QUOI ? " Mais nous on veut la recevoir cette carte et on en envoie une en retour."
Je crois qu'elles ne plaisantent pas. 

Quelle bonne idée !

Je verrai mardi ce qu'il en est. Mais on peut tout à fait projeter de refaire des cartes-maisons entre janvier et juin, les envoyer "à des amies inconnues" qui s'engageront à répondre dans le mois suivant.
Il se trouve que nos ateliers de français ont un partenariat avec La Poste cette année !

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7 commentaires:

  1. quelle joie en actes : j'en serai !

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    1. Merci !
      J'ajoute ton adresse à un nouveau carnet "art posté", tu es la quatrième !

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    2. Déjà dans le carnet d'adresses : Lise au Québec, Dany en Malaisie, Frédérique à Paris, Martine en Gironde.
      Aline, au Québec et Bérangère en Bretagne à venir...

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    3. Superbe.... er magnifique, le coup d'envoyer les cartes à *d'autres*

      Et les palettes de couleurs sous les mains, devant les mains qui travaillent...Qu'en faites vous ?? Avez vous pensé à les utiliser ???
      Et remises en situation dans une fenêtre cadre ou rehaussées de quelques coups de crayons ou de feutres....
      Très joyeuses fêtes à toutes.Nicole

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    4. Oui nous y avons pensé avant l'expo de mai car il y avait des belles choses. Finalement on a rien fait, sans doute parce qu'on avait déjà beaucoup de dessins, par ex, il a fallu faire des choix, trier.
      Pour les re exploiter, par les femmes, c'est une autre histoire, plus difficile pour des débutantes je crois.
      Bon, enfin, tout cela c'est du passé. dernière séance demain avec les cartes
      L'atelier du mardi matin ferme, puisque je retravaille en salariée.
      Je vais travailler l'art postal trois fois d'ici juin, avec un nouveau groupe d'atelier de français. Point barre pour le moment.

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  2. Neuf, vous êtes neuf personnes à m'avoir donné vos adresses et être engagés à répondre dans le mois à tout envoi de notre part. Répondre par une carte-maison faite main, aussi simple soit-elle. Hervé, Marie-Edith, Christine, Aline, Lise, Dany, Frédérique, Bérangère, Martine. Paris, Isère, Gironde, Bretagne, Québec, Malaysie.
    RDV en 2014 !

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  3. Quoi, quoi! Pas question de jeter ces très belles productions. S'il en reste, j'en veux une moi aussi, en échange de mes propres réalisations dont je n'ai plus honte depuis quelques années.
    Mais peut-être est-il trop tard?
    Tu peux me contacter sur mon blog
    www.cahierjosephine.canalblog.com

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