JOURNAL DE BORD DES ATELIERS SOCIOLINGUISTIQUES. MAISON CITOYENNE MAISON DE QUARTIER EST. ROMANS SUR ISERE, DROME.

samedi 11 janvier 2014

On ne prend pas les mêmes et on fait différemment

Voilà, j'ai démarré les ateliers sociolinguistiques avec deux groupes, un groupe le matin un autre l'après-midi.
Avec les dames de l'après-midi, nous referons des cartes à envoyer.
Neuf amis ( créatifs !) se sont engagés à renvoyer une carte personnalisée en retour de nos courriers.
Un réseau d'art postal  va se créer entre janvier et juin 2014.

Nous essaierons d'envoyer trois cartes dans ce laps de temps.
Je publierai ici les créations.


Entre temps je vais me servir de ce blog pour noter "les pépites" au fil des séances :

Ce que disent les dames de leurs vies, de leurs apprentissages, et ce que cela m'apprend. 
Comment nous pouvons nous en servir pour proposer des activités, des formes d'apprentissages linguistiques et socioculturels.


Postulats de départ, pour ceux qui ne connaissent pas le sujet.

Pour l'apprenant , apprendre une langue c'est vivre avec, autant qu'on le peut. 

Pour le formateur, faire apprendre une langue c'est la rendre vivante et adaptée aux besoins de chacun.

Passer de la langue maternelle à une langue étrangère, celle du pays où l'on vit, c'est accepter de vivre dans ce pays, l'aimer suffisamment pour endosser ses mots et ses phrases et comprendre les registres de langage ( comment parle-t-on selon les lieux, les gens et les circonstances)

Apprendre une langue nouvelle est un immense effort d'adaptation sur tous les plans :

- intellectuel et cognitif : 

apprendre la langue formellement / lexique, grammaire...
être capable de s'ajuster, de modifier ses attitudes de communication

- émotionnel : être capable de laisser derrière soi sa langue maternelle, un pan de sa vie, de sa famille, ...

- social : vouloir communiquer avec des personnes différentes de soi, aller vers eux, ne pas avoir peur

et bien d'autres choses...


Maintenant, voyons concrètement....
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Les "pépites" / points pertinents abordés cette semaine et qui font TILT

- En cours de gym douce.

La "prof"parle de l'importance de marcher, mais pas " pour faire les courses" ( mime un dos tordu qui porte un cabas tout d'un côté). non, marcher les mains dans les poches pour marcher.

réponses : Non.
"Ah non, je sors juste pour les courses"
"Non, non, non moi à la maison sur le canapé c'est tout. pas sortir."

--> Quand on emmène les dames se balader ( ville, forêt, tourisme,...) elles sont heureuses. C'est une bouffée d'air et d'autonomie. Une bouffée de liberté, mentale et corporelle. Elles sont alors ouvertes à toutes les découvertes.

- "cours" de géographie. La France et ses régions.

Sur la carte, il y a une petite chose dans l'eau en bas, c'est quoi..?
.....La Corse.....

" Mais c'est pas la France si ? J'y suis allée et j'entends pas, je comprends pas qu'est ce qu'ils disent, c'est du français ou c'est pas du français ?"

Je leur ai expliqué la France d'il y a cent ans. Les régions et leurs langues : breton, corse, ch'ti, occitan...
Puis la volonté d'une école obligatoire pour tous jusqu'à 16 ans et donc la même école pour tous et l'obligation du français.
L'écolier parlait une langue à l'école et une autre à la maison, grands parents et parents pratiquant la langue locale ( vernaculaire).

Sourires, soulagements... " Ah mais c'est comme nous ! " " Comme nous !!"
" A l'école parle français, à la maison arabe".

....Oui, la langue française n'est pas pratiquée en dehors des ateliers.

C'est un lourd paradoxe, un très grand frein dans nos ateliers.
Si on s'en tenait à une logique sociolinguistique, on pourrait dire que c'est peine perdue.
Une langue non pratiquée est une langue qu'on ne mémorise pas.

Idem le matin, les dames, plus âgées savent très bien expliquer

" Ici la tête marche, dehors tout parti". "Ici on garde dans la tête, on sort, Pffft, il part tout"

Oui, c'est comme ça...

Les postulats indiqués dans cet article, se basent sur une langue qu'on pratiquera, qu'on pourra faire vivre dans son quotidien.
Ce n'est pas la réalité des femmes avec lesquelles je travaille. Elles pratiquent leur langue maternelle, elles vivent avec. C'est tout à fait naturel, partout dans le monde c'est ainsi. Il faut en être obligé pour pratiquer une langue étrangère. Dès qu'on peut se contenter de notre langue maternelle, on le fait. ( Je ne parle pas de personnes autonomes très scolarisées, avec un potentiel intellectuel favorisant de multiples apprentissages, linguistiques entre autres).

Dans les ateliers c'est surtout " l'idée d'apprendre le français" qui prédomine, plus que l'apprentissage du français. Les femmes qui participent, majoritairement, ne sont pas allées à l'école, n'ont pas eu ce choix.

Tous les mots sont importants dans " idée d'apprendre le français"

- l'idée  : ce qu'on a dans la tête, ce que cela génère de représentations en nous, de rêve, une idée, une possibilité, pas forcément réaliste, quelque chose de difficilement définissable mais qui nous importe.

- d'apprendre : apprendre, aller à l'école quand on n'a pas eu le choix d'y aller. Progresser, sortir de sa condition de départ pour évoluer, enregistrer des savoirs, des compétences.
L'être humain se caractérise par sa capacité d'apprendre indéfiniment, dans tous les contextes et d'adapter son savoir aux circonstances.

- le français. Elles vivent en France, elles n'ont pas toujours choisi mais c'est chargé de représentations. Quelle idée s'en fait-on ? Parler cette langue, se débrouiller à l'oral, savoir lire des documents, des panneaux, faire des démarches, comprendre ce qui est écrit sur une boite de conserve.
On a toujours ce Graal à atteindre, quand on vit dans un pays étranger : celui de connaitre la langue qui nous entoure. Etre comme les autres et être autonome dans ce brouhaha de sons et cette jungle de lettres et de mots. Communiquer avec ce langage, sortir de son isolement, donner un autre sens à cette migration ?

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3 commentaires:

  1. bizarre , j'ai déjà mis un comm, mais ça n'a pas marché
    pour te dire que je suis partante pour envoi cartes retour
    bises

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    1. Génial, je note ton adresse dans le carnet-papier-à spirales... que j'ai ouvert exprès ! Vous êtes dix, les prénoms et villes/pays, des neuf autres sont dans le commentaire du billet précédent (ou celui d'avant).

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  2. Voici le commentaire que j'ai laissé l'an dernier. "Neuf, vous êtes neuf personnes à m'avoir donné vos adresses et être engagés à répondre dans le mois à tout envoi de notre part. Répondre par une carte-maison faite main, aussi simple soit-elle. Hervé, Marie-Edith, Christine, Aline, Lise, Dany, Frédérique, Bérangère, Martine. Paris, Isère, Gironde, Bretagne, Québec, Malaysie.
    RDV en 2014 "
    S'y rajoute Agnès, l'ardèchoise !

    Je reprécise : l'engagement est de nous répondre dans le mois qui suit la réception de notre carte. L'adresse de la maison citoyenne sera dessus.

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